Condamné pour avoir surestimé un bien ?
Récemment, dans le but de convaincre ses clients d’acquérir un bien proposé par son agence, un agent immobilier a livré une estimation surréaliste de leur logement, bien trop élevée par rapport à sa valeur réelle.
Ausmeister résume pour vous cette affaire, afin de vous donner les conséquences et les implications légales d’une telle pratique.
- La décision de la Cour d’appel de Rouen.
En l’espèce, le juge a statué que l’agent immobilier en question a fauté dans son estimation : mais quelle est la responsabilité de l’agent ? S’il y a faute, ce n’est pas, comme on pourrait s’y attendre à première vue, parce que l’agent a volontairement surestimé le bien. En droit, ceci ne constitue pas une faute en soi. La faute provient en réalité du manquement à l’obligation d’information qui incombe à l’agent, mais également à son devoir de loyauté envers ses clients : « [l’agent immobilier] a manqué tant à son devoir de loyauté qu’à son obligation d’information et de conseil en évaluant le bien en cause à 400.000 euros alors que les mandats n’ont pu finalement le vendre qu’au prix de 242.000 euros. 25 mois plus tard » (extrait de la décision de justice de la Cour d’appel de Rouen).
- La motivation de l’agent.
Mais pourquoi l’agent immobilier a-t-il surestimé à ce point le bien de ses clients ? Dans les faits, cette surestimation n’était motivée que par l’achat d’un bien proposé par son agence immobilière : le bien en question était estimé à 309.000 euros, il fallait donc motiver les clients à dépenser une telle somme. Estimer leur bien actuel à 400.000 euros était logique afin de les presser de faire une offre pour le bien qu’ils souhaitaient. Le prêt contracté par les acheteurs pour le bien aurait alors été intégralement remboursé par le fruit de la vente de leur bien.
- Etat du droit.
La Cour d’appel de Rouen a donc statué que l’agent est responsable de ses actes, en vertu de l’article 1992 du Code civil : « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ». Cette responsabilité civile condamne le mandataire à réparer le préjudice subi par les victimes. La Cour d’appel a déterminé que l’agent devait réparer deux préjudices : une perte de chance et un préjudice moral. En droit, la perte de chance est une perte de bénéfice : en l’espèce, les victimes pouvaient invoquer la perte de chance du fait que l’estimation fautive de l’agent ouvrait un bénéfice du point de vue de l’achat du bien. Le préjudice moral s’apprécie quant à lui du point de vue du temps passé avec l’agent pour les estimations et les démarches, et pour le mensonge lié à son estimation.
En considérant la responsabilité totale de l’agent, celui-ci a été sanctionné à hauteur de 33.510 euros.